Passe-port à l'intérieur - Saint Bonnet le Chastel - 1829/1830

Bonjour à toutes et tous,

il y a quelques temps, j'ai eu l'occasion d'acquérir quatre documents très intéressants : ces passeports (notons l'écriture ancienne "passe-port") à l'intérieur, de la police générale du royaume, pour les années 1829 et 1830, délivrés par le maire de la commune de Saint-Bonnet-le-Chastel, dans l'actuel département du Puy-de-Dôme.
Ces quatre documents se détaillent de la manière suivante :

- premier passeport délivré le 4 octobre 1829 pour M. Deveille
- deuxième passeport délivré le 16 février 1830 pour M. Pierre Gorée
- troisième passeport délivré le 3 septembre 1830 pour M. Jean Messirejean
- quatrième passeport délivré le 13 septembre 1830 pour M. Antoine Marquet.

La photo (!) est remplacée par le signalement physique de l'homme dans le cadre de gauche, avec les signes particuliers qui permettraient de mieux reconnaître l'individu.
Ces quatre passeports permettent une circulation à l'intérieur du département, et permettent d'obtenir une aide et une protection en cas de nécessité. Ils sont bien tamponnés de la mairie, avec les fleurs de lys sur le cachet, comme sur les armoiries royales en en-tête du document. Tous les quatre furent utilisés car au dos se trouvent les contrôles effectués, avec les tampons réglementaires.

Le passeport est une pièce documentaire très ancienne, les premiers étant en vigueur sous le règne de Louis XI (1461-1483).
Pour la période qui nous intéresse, ces passeports étaient soumis à un règlement de 1816, qui stipulait que tout individu de plus de 15 ans souhaitant circuler au-delà des limites de son département devait demander un passeport aux autorités compétentes. Le passeport à l'intérieur était réglé par un timbre d'une valeur de deux francs. Cela est d'ailleurs indiqué au bas de chaque document : "Prix du passe-port, deux francs". Les personnes n'ayant pas les moyens de payer cette somme pouvaient aussi se voir remis un passeport dit "pour indigent".
Ce type de passeport a fait l'objet de débats au cours de la Révolution française, particulièrement depuis la création des départements et autres découpages territoriaux nouveaux : les passeports deviennent des outils qui permettent à la fois de protéger son détenteur, mais aussi de protéger les communes contre les voyageurs venant de plus loin, inconnus. C'est aussi un moyen pour la police de surveiller certains individus, de lutter contre le vagabondage et le brigandage.
Ces passeports pour l'intérieur et passeports pour indigents sont encore en vigueur au cours du Second Empire.

Concernant l'aspect formel du document, on a ici un document type pour toutes les communes de France, document type adopté par l'Assemblée en 1792, qui facilite donc l'enregistrement des individus ayant demandé un passeport. La délivrance d'un passeport sur papier libre est interdite, et le timbre permet à la fois de faire entrer de l'argent pour l’État mais aussi d'éviter la multiplication de faux documents. C'est dans le règlement de 1816 que des nouveautés sont apportées : parmi elles, le fait que le document, une fois rempli, doit être coupé en deux, avec une partie conservée par l'autorité ayant délivré le document (qui est donc comme une souche) et l'autre partie conservée par le détenteur. Voilà pourquoi on voit sur ces quatre documents une partie gauche coupée en deux sur un texte écrit à la verticale. L'article 5 de ce même règlement introduit le papier à filigrane : vous le voyez là aussi en image : le papier est filigrané avec les indications "Passeport à l'intérieur" coupées au centre d'un cercle figurant le buste royal de Louis XVIII pour le premier document, Charles X pour les trois autres.
Ce type de document semble satisfaire au besoin des contrôles des déplacements des individus au cours de la Monarchie de Juillet : une notice de 1835 semble montere la satisfaction des autorités pour ce dispositif; citons-là : "le mode de surveillance des voyageurs est extrêmement simple et sur tous les points du territoire il est facile à la Gendarmerie de s'assurer si ceux dont elle requiert l'exhibition des passeports sont en règle à cet égard".

Source : NOIRIEL Gérard : "Surveiller les déplacements ou identifier les personnes ? Contribution à l'histoire du passeport en France de la Ière à la IIIème République", in Genèses, n°30, mars 1998, pp. 77-100

Cordialement

Bonsoir,

pour reprendre l'excellent article de Gérard Noiriel, ce type de document possède des inconvénients, des failles.

Tout d'abord, la difficile possibilité de vérifier l'identité de l'individu, si, par exemple, le signalement physique ne correspond pas selon le contrôleur (les moyens de communication sont ceux de la première moitié du XIXème siècle, et les états civils pas toujours correctement tenus). De plus, certaines mairies n'auraient pas rempli correctement les documents, préférant que la tâche incombe aux commissariats de police. Il semble aussi que la pratique du passeport sur papier libre ait perduré bien au-delà de la période où la pratique était interdite. L’État a tenté de renforcer les prescriptions autour de la délivrance de ce type de passeport par les maires par le système de l'interconnaissance : pour délivrer ce passeport, le maire doit connaître personnellement l'intéressé, ou deux citoyens doivent pouvoir être en mesure de reconnaître l'intéressé.

Pour terminer, ce sont à la fois l'extension du chemin de fer et la mise en avant des valeurs libérales qui, au cours de la Monarchie de Juillet, remettent en cause ce type de document. La surveillance des voyageurs devient difficile dès lors que le trafic du chemin de fer augmente; les valeurs de liberté, notamment dans la vie quotidienne, sont aussi invoquées pour contredire l'idée de contrôle de ces passeports. Déjà, une circulaire rédigée par le ministre de la Police générale en 1818 demandait aux préfets que les contrôles soient les moins longs et pénibles possibles, notamment à l'égard de l'aristocratie, des fonctionnaires, des visiteurs de marque dans le pays; plus globalement "que dans les temps ordinaires un voyageur ne soit jamais forcé de se déplacer et de se rendre devant l'autorité". Viendra ensuite le temps de la photographie où il sera bien plus simple de procéder aux vérifications des individus.

Article de Gérard Noiriel cité plus haut.

Cordialement

Bonjour poddichini

Metci pour cette belle presentation ,toujours un plaisr  de vous lire
Ils sont en tres bon etat, pour ma part je n en possede qu un du second empire en etat moyen fait a Oran, l hortographe passe-port y prend tout son sens

Bien cordialement
Luc

Bonjour Luc,

merci pour votre message, qui me fait plaisir.
Le vôtre est-il aussi filigrané avec le buste de Napoléon III ?

Toutes mes amitiés.

Bonjour Thomas
Merci pour cette belle présentation.

Bonjour

Non ,le voici





Bien cordialement
Luc

medaille 71 a écrit:

Bonjour Thomas
Merci pour cette belle présentation.

Bonjour Jérôme,

merci à vous.

Amicalement

lima delta a écrit:

Bonjour

Non ,le voici

Bien cordialement
Luc

Merci Luc.
Je vais voir à quel moment ce filigrane disparaît, ou bien si c'est juste l'administration qui l'a délivré qui n'avait pas de papier filigrané.

Cordialement

Bonjour poddichini

Je vous remercie

Bien cordialement
Luc

Bonjour

je ne suis pas parvenu à trouver d'informations exactes au sujet du filigrane.

Voici néanmoins un second article intéressant sur ces passeports, où nous pouvons voir d'autres exemplaires, et surtout les souches dont nous parlions en entrée. Article de Johanna Daniel en novembre 2020 :

https://ig.hypotheses.org/2246#identifier_2_2246

Cordialement

Bonjour,

n'hésitez pas à enrichir ce sujet avec d'autres passeports.

Cordialement