le cascque Mod.33 de un Général de Division

Les casques italiens Mod.33 au début de la guerre portaient généralement un insigne peint indiquant la spécialité militaire et le numéro régimentaire. Ces insignes étaient généralement noirs sur les casques gris-vert, ou jaunes ou blancs argentés sur les casques noirs; il y avait des exceptions.
C'étaient des panneaux peints à l'aide de minces gabarits en tôle et par conséquent, la conception et la taille de ces panneaux étaient standard; ils pourraient être réalisés de diverses manières, par pulvérisation, au pinceau ou même avec un tampon; normalement, c'était une peinture noire épaisse appelée "catramina" mais d'autres peintures étaient également utilisées.

Bien sûr, étant en Italie, les règles sont toujours assez relatives, nous avons donc d'innombrables exemples de signes fabriqués de manière non réglementaire inspirés des dessins officiels.

Les collectionneurs n'aiment pas trop les panneaux non réglementaires; après tout, même les insignes réglementaires sont reproduits car les masques officiels existent encore aujourd'hui et ne sont pas difficiles à trouver.

Bref, comme vous pouvez bien le deviner, c'est un labyrinthe assez compliqué, cela demande de l'expérience et parfois cela ne suffit pas.

Il y a plus de dix ans, un ami m'a proposé un lot de casques du Regio Esercito intéressants, une dizaine de pièces, parmi lesquels il y en avait deux avec des insignes non réglementaires.
Ils étaient beaux, indiscutablement de la période de guerre, mais avec ces insignes ... Je lui ai dit que je ne voulais pas d'eux, il a insisté, il m'a dit que la provenance était sûre, ils provenaient d'une découverte dans les greniers du Tribunal de Gorizia à la frontière yougoslave, une ville qui a même été coupée de la ligne frontière.
Cette histoire m'a également été confirmée plus tard par des amis collectionneurs locaux.
Le vendeur est une personne que je connaissais bien, une personne sérieuse, d'ailleurs ces casques m'ont été laissés pour très peu d'argent, alors je les ai pris.

L'un des deux portait un assez bon blason à main levée qui indiquait l'utilisation du casque par un officier d'état-major.

Depuis plusieurs années, le casque est sur son étagère, beau à regarder, mais anonyme, comme tant d'autres.

Puis, il y a quelques années, est sortie une publication consacrée aux insignes des casques italiens pendant la Seconde Guerre mondiale, éditée par un collectionneur que je connais.
Pendant que je feuilletais le livre, sur la page consacrée aux casques avec l'insigne de l'état-major, une photo vintage très nette est apparue avec un Général de Division portant le casque de ma collection, pas un pareil, mais vraiment ça, plutôt indubitable.
J'étais évidemment très surpris; J'ai appelé l'auteur du livre pour l'expliquer, je lui ai envoyé des photos de mon casque, et lui aussi a été impressionné, c'est exactement ce qu'il m'a dit; par coïncidence, il est de Gorizia et connaissait l'histoire de la découverte au Tribunal, et il m'a dit qu'en temps de guerre c'était le siège de divers commandements du Regio Esercito et aussi des Allemands.
Mais le Général est resté inconnu; la photo n'a pas été éditée, elle appartient à un autre passionné bien connu, rédacteur en chef du plus célèbre magazine italien de militaria, correspondant italien du votre Magazine Militaria.
Je lui ai également demandé si cette photo était connue et il a confirmé qu'elle avait été publiée pour la première fois dans le livre; ceci pour tenter d'exclure le travail d'un éventuel faussaire qui s'en est inspiré.




Je le répète cependant, le Général était inconnu; en Italie, cela peut paraître étrange, il n'y a pas de nouvelles et d'images même des Généraux de division, alors qu'aux États-Unis, par exemple, on peut trouver des nouvelles même des derniers fantassins. Mais je vois sur votre forum que vous pouvez aussi trouver beaucoup de nouvelles pour les Français.

Ce n'est pas le cas chez nous, beaucoup de choses ont disparu avec la guerre, encore plus sont cachées dans des archives qui n'ont jamais été ouvertes; tout cela pour effacer tant de souvenirs inconfortables de l'époque où presque tout le monde était fasciste et devenait soudainement partisans, communistes, démocrates, etc.

Alors dans les années suivantes j'ai essayé de donner une identité au Général photographié; avec l'aide d'un ami plus expérimenté que moi dans le domaine des médailles et des uniformes, puisque la photo mettait clairement en évidence les rubans des décorations sur la veste du général, on pensait l'avoir identifié.
On a cru pendant quelques années qu'il était le commandant d'une division employée sur le front yougoslave.

Ce n'est que récemment, au début de l'été dernier,  qu'un jeune homme de ma ville, qui m'a contacté enfant lorsqu'il a commencé à se passionner pour le monde du militaria et qui aujourd'hui a obtenu son diplôme et a choisi la recherche historique dans les Archives publiques pour son travail, a découvert la véritable identité.
En vérifiant à nouveau les médailles du général, il découvrit une légère incohérence avec l'identification précédente.
Il a poursuivi ses recherches et a même trouvé quelques photos anciennes dans les archives de l'Istituto Luce ou de l'agence de presse d'État qui ont documenté l'histoire de ces années dans les années 1930 et 1940. L'Istituto Luce existe toujours et garde le souvenir de ces choses.

Je disais qu'il a trouvé des photos qui dépeignent le général dans un lieu et un contexte précis: on est le 25 juin 1940, le lendemain de l'armistice (pas très honorable pour nous) avec votre pays, la France.
L'endroit est dans la région de Colle della Maddalena, le Général accompagne le Duce Benito Mussolini en revue aux troupes de la Division Acqui, dont il était le commandant.
Il s'appelait le Général Sartoris Francesco, il était un Turinois de 58 ans, très attaché à la Maison de Savoie, les Souverains d'Italie, et sur les photos, il porte le casque qui après environ 70 ans de ces événements est tombé entre mes mains.





Par la suite, l'ami archiviste a également obtenu le Stato di Servizio, document qui résume toute son histoire militaire puisqu'au début des années 1900 il a prêté serment, la Première Guerre mondiale, puis sa carrière entre les deux guerres, la deuxième guerre, le Service a continué au début des années 1950, jusqu'à sa mort en 1970.


Je continue actuellement à faire d'autres recherches pour "mieux connaître" celle-ci qu'un vieux casque et le destin m'ont amené à rencontrer.

J'espère ne pas avoir ennuyé ceux qui voulaient lire cette histoire. et voici les images du casque.

Ah, pour conclure: j'ai aussi raconté cette histoire sur certains forums italiens et l'un des résultats est que récemment sur ebay j'ai vu une copie de mon casque .... déclarant que c'est une copie, c'est vrai, mais ...









Voici l' insigne réglementaire

Bonjour Piero,
encore une fois, vous ne dérogez pas à la règle qui veut que vous présentiez des pièces peu ordinaires...
C'est là un superbe casque et avec une histoire non moins commune.
Merci pour ce petit moment de plaisir.

Ps:

Citation :

le lendemain de l'armistice (pas très honorable pour nous) avec votre pays, la France.

épilogue d'un affrontement que beaucoup d'italiens( et de français...) considéraient comme fratricide entre ces 2 sœurs latines......

Bonjour
Très beau casque avec une super histoire
Merci pour le partage
Cordialement

Merci pour les réponses.

Mais évidemment, le matériel italien est de peu d'intérêt.

Dommage car il n'est certainement pas facile de trouver un objet qui possède une documentation d'époque similaire, de surcroît mis en présence de personnages historiquement importants, qu'ils soient positifs ou négatifs.