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 Les sociétés coloniales : cloisonnements, contacts, influences (partie III)

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poddichini
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poddichini


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MessageSujet: Les sociétés coloniales : cloisonnements, contacts, influences (partie III)   Les sociétés coloniales : cloisonnements, contacts, influences (partie III) EmptyJeu 12 Fév 2015 - 20:32

Bonsoir à tous,

voici la troisième et dernière partie de mon texte sur les contacts et influences au sein de sociétés coloniales.

Vos remarques sont évidemment les bienvenues ! Bonne lecture !

Poddichini.


III- Les sociétés coloniales : des influences et échanges entre colonisateurs et colonisés


       
Par le biais des rencontres coloniales urbaines, un cloisonnement a pu être évité et l'interpénétration dans les villes fut bien présente. Également, quelques modèles administratifs et des changements dans le mode de gouvernement ont laissé une place importante à la mixité des directions. Et de cette rencontre coloniale naquit une catégorie particulière de populations : les métis, « enfants de la colonie » selon l'expression d'Emmanuelle SAADA.
Dans les villes coloniales, même si parfois la ségrégation était de mise, pour échapper notamment aux maladies et épidémies ravageuses, comme a pu le démontrer Odile GOERG pour l'Afrique de l'Ouest, l'interpénétration était une fatalité inévitable. Les contacts avec certaines populations étaient quotidiens, comme les domestiques présents dans les maisons européennes. Sur le plan culturel, les contacts pouvaient être fructueux. On peut citer ici l'exemple du Maghreb français. La présence d'une domesticité féminine dans les demeures françaises a permis de nombreux échanges culturels, notamment dans les modes de consommation, dans le sens de l'apport des femmes européennes vers les femmes maghrébines, mais aussi inversement : apport du sous-vêtement, du tabac etc... Il en est de même en Indochine où la notabilité vietnamienne réclame le droit de se coiffer et de s'habiller à l'européenne, contre l'interdiction des mandarins. Les gouverneurs-généraux, d'abord réticents, l'accordèrent après les premiers mouvements de contestation, et également avec la politique d'association menée par les gouverneurs Albert SARRAULT puis Alexandre VARENNE dans les années 1920, puis les années 1930. Toujours en Indochine, les populations allochtones, dont la présence démographique était importante, apportèrent dans des villes comme Hanoï, Haïphong, Saïgon ou Tourane, leurs modèles architecturaux. Ainsi, les Chinois et leurs compartiments, les longues habitations traditionnelles, étaient bel et bien représentés en Indochine, et même quelques petits Français reprirent ce modèle pour construire leurs logements. Mais les Européens amenèrent aussi dans leurs bagages le style architectural occidental, qu'ils reproduisirent à l'envi dans les colonies et protectorats. La gare de Tourane a été construite sur le modèle de la gare de Deauville sur la côte d'Opale ; le théâtre de Hanoï, au bout de l'avenue Paul Bert (du nom du premier gouverneur de l'Indochine), a été construit en empruntant les plans du Palais Garnier à Paris. L'interpénétration architecturale pouvait se faire dans l'autre sens, et on a vu des Européens reprendre les modèles orientaux pour leurs demeures. Un des plus beaux exemples est celui du baron Empain, un Belge installé au Caire. Alors directeur de la société des tramways du Caire, il décide de la construction d'une vaste bâtisse, dans le nouveau quartier cairote d'Héliopolis, empruntant les styles arabe et hindou. Ainsi, la ville coloniale fut synonyme de forts échanges entre colonisateurs et colonisés, notamment la frange la plus occidentalisée.
Aux niveaux administratif et politique, c'est la politique d'association qui a pu permettre une intégration nette d'un système de gouvernement pré-colonial à l'administration coloniale. Mise en place d'abord en Ouganda, alors britannique, puis au nord-Nigeria par le Britannique Lord Frederick LUGARD, il permit à de nombreux chefs locaux de conserver leur place de chefs de village, de communauté et de tribu au sein de l'administration britannique. Ce modèle de l'Indirect rule, ne devant coûter que peu à l’État, favorisait donc un échange entre les couches de l'administration, entre un résident, toujours européen, et des subalternes locaux dirigeant leurs populations. Le modèle traditionnel d'administration fut donc maintenu en place, et cela même dans les colonies françaises dans la première moitié du XXème siècle, avec la fameuse « politique d'association » en Indochine, prônée par le gouverneur-général Albert SARRAULT, ou alors au Maroc par l'influent résident-général (le Maroc était un protectorat, d'où le titre de résident-général) Hubert LYAUTEY. A la suite des premières revendications nationalistes à l'issue de la Première Guerre mondiale, et la crise économique de 1929 frappant massivement les colonies dans les années 1930, les gouvernements coloniaux favorisèrent un peu plus le contact colonial, au niveau politique. En effet, les conseils et autres pouvoirs centraux des capitales coloniales furent ouverts à des indigènes, parfois par élection, parfois par tirage. Même si certains n'étaient que consultatifs, et où la représentation européenne restait toujours majoritaire, l'ouverture était nette. On peut ici citer l'exemple des Indes néerlandaises et l'ouverture du Volksraad, le « Conseil du Peuple » en 1918, uniquement consultatif, avec la présence de trente Européens, vingt-cinq indigènes (pour l'élite indonésienne) et six à huit représentants allochtones (Chinois et Indiens, voire Malais) . Il fut inauguré officiellement en 1930. En Indochine, à la suite des manifestations des années 1930, des Conseils consultatifs (un en Annam, un au Tonkin) furent institués et où l'accès aux populations locales était autorisé. Cette ouverture est donc bien visible, surtout dans la période de remise en question des pouvoirs coloniaux. Néanmoins, il faut relativiser ce contact, car l'ensemble des décisions revenait au final aux Occidentaux, au plus haut fonctionnaire, le gouverneur-général ou le résident-général.
Enfin, un cas particulier de population est né directement de cette rencontre coloniale. Il s'agit des « enfants de la colonie » : les métis. Issus d'unions entre un Européen et une femme indigène (le plus souvent dans ce sens-ci), le statut des métis a fait l'objet de grands tâtonnements et de questions. Si le métis est reconnu par son père, il acquérait alors le statut d'Européen avec tout ce qui s'en suit : citoyenneté du pays européen en question, accès à l'école européenne... En revanche, s'il n'était pas reconnu, il était voué à devenir un « sujet d'empire », non reconnu non plus, souvent, pas sa mère. Néanmoins, comme en Indochine française, ces métis intégraient parfois des orphelinats créés par les pères et les sœurs des missions catholiques. Il faut dire que les métis ont constitué une catégorie de population importante sur le plan démographique. Cela est dû en grande partie au célibat des Européens venus faire carrière dans les colonies, à la présence de militaires en garnison, mais aussi et surtout au fait que les femmes européennes sont venues que très tardivement dans les colonies. Reconstituer l'idéal de la famille dans les colonies ne fut possible qu'à partir des années 1920, une fois les territoires pacifiés, et surtout une fois la plupart des maladies soignées. Avant cette date, même les politiques coloniales incitaient à prendre des femmes dans les populations locales.
Les métis, comme catégorie de population, ont pu jouer un rôle économique et politique importants, en certains endroits. C'est l'exemple le plus parlant de la place importante prise par les mulâtres dans la société antillaise. Certains d'entre eux occupèrent des responsabilités politiques, comme les fonctions de députés, conseiller général, ou maire (à l'exemple de Aimé CESAIRE). La lutte politique entre les mulâtres et les descendants d'esclaves libérés, incarnés brillement par Hégésipe LEGITIMUS (dont l'acteur Pascal Légitimus est un ancêtre), fut d'ailleurs farouche, laissant les populations blanches à des occupations plus économiques comme la gestion des industries sucrières. Pour autant, il faut bien faire cette distinction entre les métis reconnus et les métis non reconnus par leur père, car elle peut provoquer des situations assez particulières. Ainsi, on a gardé le témoignage de deux frères métis en Indochine : l'un étant plus « foncé » de peau que l'autre, il n'eut pas le droit d'entrer dans le club que tout deux voulaient fréquenter. La couleur de peau a donc fait ici, office de barrière socio-raciale, alors qu'il s'agissait pourtant de deux hommes de la même famille.


Ainsi, à travers ces développements, on a pu voir que les cloisonnements, contacts et échanges culturels étaient des phénomènes inévitables lorsque les Occidentaux sont arrivés dans des territoires qu'ils désiraient contrôler. Leur supériorité annoncée, et volontairement entretenue de part leur croyance en la supériorité de leur civilisation, a provoqué de grands bouleversements au sein des populations colonisées, locales. Les tentatives pour les christianiser, pour leur donner une éducation occidentale, sont restées lettre morte pour une grande majorité de la population, à dominante rurale. Néanmoins, les contacts et les échanges sont apparus fructueux pour une frange de cette même population, souvent (mais pas exclusivement) issue de l'élite pré-coloniale, ce qui a permis des interpénétrations dans de nombreux domaines. Bien que maintenant une certaine distance avec les colonisés, il est important de dire qu'aucune situation coloniale n'est restée figée. Ce sont les évolutions qui ont primées, et des évolutions tendant à des échanges et des influences entre les deux catégories de population. La reprise des modèles occidentaux, ce que l'on rencontra le plus souvent lors de la période, a débouché sur la montée des nationalismes ; nationalismes reprenant les idées de liberté et d'égalité chères aux Occidentaux.
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pineau
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MessageSujet: Re: Les sociétés coloniales : cloisonnements, contacts, influences (partie III)   Les sociétés coloniales : cloisonnements, contacts, influences (partie III) EmptyVen 13 Fév 2015 - 9:58

Bonjour Poddichini, j'ai imprimé l'article pour le lire tranquillement.
Au Cambodge et en Asie en général, les maisons sont construite dans la longueur car les propriétaires étaient imposés sur la longueur de la façade.
Amicalement. Marc
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poddichini
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MessageSujet: Re: Les sociétés coloniales : cloisonnements, contacts, influences (partie III)   Les sociétés coloniales : cloisonnements, contacts, influences (partie III) EmptyVen 13 Fév 2015 - 11:39

Merci Pineau, vous me donnerez votre avis.

Poddichini.
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MessageSujet: Re: Les sociétés coloniales : cloisonnements, contacts, influences (partie III)   Les sociétés coloniales : cloisonnements, contacts, influences (partie III) EmptyVen 13 Fév 2015 - 11:40

PS : ne faites pas attention aux fautes d'orthographe dans la première partie, je l'ai envoyée sans correction préalable...

Poddichini.
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