La retraite de 1940 par mon grand père

Salut à tous,
Un de mes oncles n'a envoyé ce week end des scann de quelques écrits tenus par mon grand père en 1940, alors qu'il était sur le front de l'est. N'ayant pas eu école cet après midi, j'ai trouvé le temps de les examiner et de les retranscrire. Je dois vous avouer que ça m'a serré le coeur. Il y raconte la retraite depuis le front de l'est...
Voici le feuillet recto-verso:






Et voici ce que j'ai réussi à retranscrire (j'ai mis entre [...] et [?] ce dont je ne suis pas sûr):



14 juin au soir : nous ne nous couchions pas en attendant l’ordre de partir… De battre en retraite. Il était environ minuit quand nous partions. Passions par Sarre-Union. Le 15 au lever du jour arrivions à l’auberge du Pont Neuf.

Vers 15 heures repartions pour Réchicourt [ ?]. Y arrivons le lendemain au matin. Campions là. 17 au matin, nous poussions jusqu’à Foulcrey [ ?].

Du 17 au 18 couchions dans le bois voisin. Dans la journée du lendemain y étions bombardés par l’artillerie ennemie et le quittions.

Du 18 au 19 couchions dans l’église de ce village.

19. Partions vers 13 h. Passions par Cogney, Blamont, Barbas (où sommes mitraillés par avions) St Maurice.

Dure journée entre ce village et Pexonne. 19 au 20 couchions dans un bois. Au matin, le cdt Guigon comm^t le régiment ayant perdu de vue ses cyclistes me prenait avec un autre camarade le sergent chef Jérôme pour remplir ces fonctions. M’envoyait à la recherche du cdt Bruel (2^e BTN), qui se trouvait aux premières lignes, pour lui remettre un pli. J’avançais dans le bois à la recherche de cet officier quand tout à coup je me trouvais en avant même des lignes amies. Car les éléments les plus avancés se trouvaient là derrière moi, couchés dans une ancienne tranchée et faisaient feu. […] De devant moi venaient les balles ennemies. Elles ne devaient pas passer loin de moi puisque je les entendais très bien siffler. Peut-être étais-je visé. Je restais cependant toujours debout, ma bicyclette appuyée devant et contre moi cherchant à découvrir d’où venaient les coups ennemis. Je fouillais des yeux les feuillages, mon mousqueton épaulé et prêt à lâcher son coup. Ah ! en voilà un, là à 50 m. environ. Je tirai et ne le manquais pas. Je continuais à chercher. Un peu plus loin et plus à droite, un autre, je lui faisais subir le même sort. J’étais presque satisfait. Mais bon Dieu ! Des raffales […]




Passions la nuit.

22 Nous nous savions encerclés. Plus aucun chemin de retraite. Plus d’ordres du Haut Commandement. Les quelques hommes qui formions la compagnie étions groupés autour de notre c^ne . En position sur un petit mamelon boisé à quelques 100 mètres du village étions décidés à tenir jusqu’au dernier. Moments d’angoisse et d’incertitude.

Nous regardions les Allemands à 800 ou 1000 m. de là. Ils s’approchaient de plus en plus, par bonds. Tous nous les attendions, le doigt sur la détente et notre dernière pensée pour les nôtres. Car cette fois j’avais l’impression que malgré les dégats que nous aurions fait chez nos adversaires il n’en serait pas resté beaucoup debout d’entre nous.

Tout à coup le capitaine nous commanda « rassemblement » ! qu’y avait-il ?... On lui avait apporté un pli. Je ne vis même pas qui lui avait remis. Enfin nous nous exécutions. Il nous mis au garde à vous et nous lu. Ah ! c’était ça : l’ordre de mettre bas les armes ! – J’entends encore la voix pleine de rage et d’amertume de ce vieux soldat de 14-18 en disant lorsqu’il eut terminé de lire : « On aura tout vu » ! Ce qui voulait certainement en dire long. Je regardais mes camarades. On se regardait sans mot dire. Nos expressions disaient assez l’émotion que chacun de nous devait éprouver à cette nouvelle. Tout était donc fini. La France vaincue. Qu’allions-nous devenir ? Mais on ne pouvais pas rester longtemps ainsi. Allons, il fallait abandonner déposer les armes : quitter nos mousquetons, nos cartouches, nos grenades. Nous entassions tout çà là lentement avec regret. Il fallait aussi me débarasser de mon petit 6Z.35, cadeau de ma sœur […]



Voilà, je suppose qu'il parle (à la fin) d'un 6,35 qu'il possédait et dont il lui a fallu se séparer...
Il reste encore pas mal de feuillets écrits de sa main quand il a été fait prisonnier au Stalag et quand il était dans sa ferme, mais le tout est d'une lecture difficile car écrit à la mine de plomb...
J'attends d'autres scann de mon oncle...
@+

Bien intéressant, je connais assez bien la région de Blâmont-Gogney-Barbas située à l'est de Lunéville sur la N4.

Crevette a écrit:

Bien intéressant, je connais assez bien la région de Blâmont-Gogney-Barbas située à l'est de Lunéville sur la N4.

Merci, Crevette,
Je vais acheter une carte régionale IGN de la région pour essayer de reconstituer son itinéraire...
Il faut aussi que je me plonge dans ses autres feuillets... Ya du boulot. Voici ce que ça donne:





C'est souvent illisible... J'en suis malade...
@+

Je dirais que c'est parfois illisible, mais la grande majorité est tout à fait compréhensible.
Seule la partie inférieure du 1° feuillet est difficile à déchiffrer.

Merci Caporal Clegg pour ce témoignage poignant!! .... et de l'avoir fait partagé.
Cordialement

Heurtebise

Bonjour corporal

Merci pour se très beau témoignage

Mon beau fils qui travaille dans l'informatique

Est parvenue a refaire l'écriture du diplôme de mon père

Qui était aussi illisible a voir ici

http://passionmilitaria.1fr1.net/histoires-photos-et-objets-de-famille-f114/le-casque-et-les-papier-de-mon-pere-t22943.htm

Si tu veut je peut lui demandé comment il pratique.

Merci pour ce témoignage comme on en voit rarement de cette époque assez sombre...


MoKKO

bonjour, tu peux passer les scans par un traitement d'image: "microsoft office picture manager" qui est installé de base sur mon ordi au Canada peut aider, on peut ajuster les contrastes, la luminosité etc,,, Pour ceux plus pro il y a "gimp" ou "phtoshop" qui offre un éventail de filtres de correction. Bien entendu faire un enregistrer-sous de tes scans avant afin de pouvoir conserver les scans originaux.
J'ai une correspondance de la première guerre que j'essaie de mettre sur word. souvent c'est à la deuxème lecture et plus que j'ai pu découvrir les mots manquants.
Au fil des lectures j'ai pu aussi me familiariser avec la façon d'écrire du correspondant... c'est fascinant on a l'impression d'être presque à côté de lui.

Bon courage et merci de partager le témoignage de ton grand père.