lettre émouvante

Bonsoir à tous,

Pour la petite histoire, dès que je récupère de la correspondance avant de la ranger en classeur bien classée par date, je retape chaque lettres à l'ordi avec plusieurs sauvegarde pour que si jamais pour une raison x ou y le papier est détérioré ou détruit les écrits eux ne soient pas perdus.

Je tombe de temps à autre sur des lettres assez poignantes, émouvantes mais je voulais simplement vous faire partager ces 2 là... En tapant la première j'ai du faire une pause clope tellement elle m'a pris aux tripes, j'en avais les yeux tout brillants

Donc les lettres concernent le sergent Louis Tripoz, gravement blessé à Verdun le 23 juin 1916 et mort de ses blessures le 24.
La première envoyée par un de ses camarades de tranchée à ses parents, la deuxième envoyé par son frère (Félix) au médecin qui l'a reçu ainsi que la réponse du médecin (sur la même lettre).

Je ne vous souhaite pas une bonne lecture car on a vu plus gai comme lecture...



La première :


25 Juin 1916


Chère Madame, cher Monsieur Tripoz


C’est avec le cœur bien gros, la mort dans l’âme que je vous trace ces lignes, je viens pauvre madame, pauvre monsieur Tripoz vous apprendre une bien triste nouvelle, ce vieux Louis, ce vieux frère, enfin votre fils que vous chérissez tous deux, n’est plus.
Il fut grièvement blessé face à l’ennemi, il est mort en brave à l’ambulance muni des derniers sacrements. Que la grande douleur que j’en ai puisse adoucir la votre mes bien chers amis et que ma voix si faible, si lointaine puisse vous dire, vous crier même que malgré tout, ce vieux Louis, mon grand ami, mon vrai frère « sera vengé ».

Voici tout ce que j’ai pu recueillir sur ses blessures et sur sa mort :

Le 23 juin à une attaque effroyable de la part des boches et après les avoir complètement repoussés, Louis pour mieux tirer sur les fuyards était monté avec sa demi-section debout sur la tranchée ; c’est alors qu’il fut blessé d’une balle au ventre et les 2 cuisses traversées d’une autre balle.

Sans aide, n’en voulant pas, surmontant la douleur, il vint au poste de secours se faire panser. Emmener immédiatement en automobile à l’Ambulance 4/6 de Duguy, malgré les soins dévoués, il succombait à ses blessures dans la nuit du 24 juin.

J’ai vu sa tombe, une croix bleue y est placée, ses nom, prénoms, classe y sont inscrits. Une petite tombe, toute mignonne, sur laquelle j’aurais voulu y placer des fleurs. Mais seuls mes pleurs y sont tombés et pensant à lui, pensant à vous que je vénère, que j’aime, j’ai plus que jamais haïs les boches, c’est eux qui vous ont pris votre fils, c’est eux qui vous font souffrir, c’est eux qui sèment le deuil dans toute la France, plus que jamais de Verdun, de ce tombeau où tant de braves laissent leur vie pour l’honneur de la France, je vous crie « je le vengerai ».

Puisse ma voix bien lointaine vous parvenir, qu’elle allège votre souffrance et que mon baiser à tous deux vous parvienne car c’est le dernier que j’ai échangé avec mon cher Louis.

Je vous fait parvenir également cent francs que Louis m’avait confié avant de monter aux tranchées dans la crainte qu’on ne lui prenne. Tous ses objets vous serons remis par les soins du dépôt.

Je termine donc cette lettre, excusez moi de vous l’envoyer mais c’est un serment que nous nous étions fait avec Louis, l’un ou l’autre tué, il fallait écrire de suite pour que nos parents sachent la vérité. Je l’ai fait, ne m’en voulez pas et permettez moi, madame et monsieur Tripoz, de vous embrasser comme père et mère.

Laveau


Lorsque vous pouvez aller chez mes parents, allez y, la porte est grande ouverte. C’est Mme Laveau 17 rue de Lyon Macon Saonne et Loire

Hier c’était le tour de Louis, demain se sera peut être le mien. Soyez malgré tout sans crainte nous mourrons en héros et malgré tout jamais les boches n’aurons Verdun. Mais quelle fournaise, que de sang versé. On crie quand même : Vive la France.




****** rajout de Félix ******


Je vous la renvoie car j’ai peur de la perdre. Et cela serait trop malheureux car c’est un document immortel.
Mettez la en lieu sur.

Félix





La deuxième :



25 Juillet 1916                        Orient


Monsieur de Médecin chef


Je viens de recevoir la nouvelle terrible que mon frère unique est mort dans votre ambulance, à la suite des blessures mortelles qu’il a reçu en menant ses hommes à l’assaut dans la nuit du 22 au 23 Juin à Verdun.
Il s’appelait Tripoz Louis il était sergent au 407ème d’infanterie, il faisait parti du recrutement de Bourg Ain. Je viens vous demander bien humblement quelques renseignements sur sa mort s’y vous pouvez savoir quelques choses. S’il a bien souffert, comment qu’il était blessé, s’il est mort dans sa connaissance. Et s’il a causé avant de mourir.
Je suis bien éprouvé surtout si loin des miens, donnez moi ces renseignements si cela vous est possible. Je vous en serait bien reconnaissant. Et cela sera peut être un adoucissement à mon chagrin. Je vous remercie beaucoup à l’avance de se grand service.

Je suis votre humble serviteur et bien reconnaissant.


Tripoz Félix caporal au 148ème d’infanterie 11ème Cie S.P 509
Armée d’orient par Marseille



Le médecin chef au caporal Tripoz

Votre frère Tripoz Louis sergent au 407ème d’infanterie 4ème Cie est entré à mon ambulance le 24 juin et y est décédé le jour même.
Il était atteint  d’une plaie pénétrante à l’abdomen et d’une situé par balle à la jambe gauche.
Son état étant jugé des plus graves, on a calmé le mieux possible ses souffrances.
Une dame de la Croix Rouge, en permanence à son chevet, a adouci ses derniers moments en lui parlant de sa famille et en lui cachant a gravité de son mal. Il a conservé jusqu’au bout l’espoir de sa guérison.

Recevez mes meilleures salutations

Aux armées, le 18 août 1916

*****
Médecin chef ambulance4/6

Bonjour,

Très émouvant j'en ai presque la larme à l'oeil. Ça devait vraiment pas évident d'écrire se genre de lettre.
Merci pour se partage.

Cordialement

En effet, vu l'état dans lequel j'étais pour la réécrire je n'ose imaginer son pauvre camarade qui l'a écrite...

Bonsoir,

Merci à toi pour le temps que tu prends à retranscrire ces mots tragiques qui sont ainsi sauvés et diffusés
On entre ici dans la guerre intime, dans la souffrance personnelle, c'est très émouvant !

Amicalement,
Clément

Bonjour,

En effet, c'est très émouvant.
Il semble que Louis Tripoz fut décoré à titre posthume de la croix de guerre : JO du 1er août 1922 : " TRIPOZ Louis, mle 01632, sergent : sous-officier d'une bravoure réputée. Est mort glorieusement pour la France le 23 juin 1916, en faisant vaillamment son devoir. Croix de guerre avec étoile d'argent". Donc une citation à l'ordre de la division. 
Il était bien au 407e RI.

Cordialement

Je me doutais bien clee que tu "apprécierais" étant donné que tu affectionne également les correspondances

Ah Nan Poddichini il était au 407eme RI, mais de son nom complet Marie Louis Hippolyte Tripoz

as tu le nom de la ville où il habitait ?

Marie Louis Hippolyte TRIPOZ, né le 4 août 1888 dans l'Ain, à Attignat.

Oui c'est lui

Félix Tripoz :

http://www.archives.ain.fr/ark:/22231/vtadc9d9b645e066ecd/setSpec:matricules/metadataPrefix:nomina

Cordialement

En tout cas, jamais ces deux hommes ne se seraient imaginés que ces courriers allaient traverser les âges pour encore être lues en 2020, soit 104 ans plus tard. Ces lettres sont et resteront des témoignages précieux. Imaginons un instant celles qui furent écrites par des soldats mourants qui savaient qu'ils étaient condamnés......celles-là doivent être plus terribles encore

J'ai la dernière lettre écrite par Louis à son frère le 22, il ne se fait aucun soucis et fait la remarque que leurs parents s'inquiète pour lui alors que ça va...

Jean Marie Alexandre Félix Tripoz était visiblement marié à Marie Charvet, qui a reçu la médaille de bronze de la famille française en 1937. Ils avaient 5 enfants.
JO du 9 août 1937.

Cordialement

Merci de cette précision Poddichini, tu m'avance les futures recherches

Je vous en prie. Ils étaient toujours à Saint-Didier-d'Aussiat.

Exact! Je viens d'aller vérifier sur les enveloppes !

Bonsoir

C'est terriblement émouvant.... On ne peut imaginer l'épreuve qu'endure celui qui annonce la terrible nouvelle.

Tant de pauvres gars ont eu à le faire, et comme si cela ne suffisait pas il faudra remettre ça un peu plus de 20 ans plus tard....

je comprends ton émotion - merci du partage.

Bonjour,

Le nom de Louis Tripoz est mentionné dans l'historique du 407ème Régiment d'Infanterie, mais écrit Trepoz.

Cordialement

La fiche matricule de Marie Louis Hippolyte TRIPOZ :

http://www.archives.ain.fr/archive/resultats/matricules/n:91?rech_nom=Tripoz&rech_prenom=Marie+louis&type=matricules

Cordialement

Salut !

Du coup son nom doit être sur le monument aux morts de Saint-Didier-d'Aussiat ou d'Attignat ou de Bourg ou autre ?

Je suis du secteur ... si je sais où chercher je pourrais aller faire une photo de son nom sur le monument si tu veux ...

A+

Ludo

Bonjour,

à mon avis, soit St-Didier d'Aussiat ou Attignat. Les deux communes semblent proches.

Vérification : il est inscrit sur le monument aux morts de St Didier d'Aussiat. Le monument est à côté de l'église et son nom sur le côté gauche du socle où figure la statue d'un Poilu.

J'ai trouvé une carte postale d'époque avec son nom !

Voici le monument, avec des photos sur toutes ses faces :

https://monumentsmorts.univ-lille.fr/monument/18650/saint-didier-daussiat-place/

Cordialement.

Merci pour vos recherches messieurs
Il faut que j'essaie de trouver la carte pour la mettre à côté.

Bonjour,

Je vous en prie.

Cordialement

Bonsoir,

Très émouvante cette lettre. Cela fait quelque chose de simplement imaginer la souffrance de ces hommes. Avez-vous pu trouver quelque chose sur l’ami de Louis ? Ça me ferait tant plaisir de savoir qu’il a survécu !

Merci du partage et du temps passé à copier les lettres. Je ne sais pas si vous le faites mais moi je les dicte et corrige ensuite. Ça fonctionne pas trop trop mal et c’est un gros gain de temps.

Hélas Nan je n'ai pas grand chose mais je devrais pouvoir trouver avec un peu de chance, je n'ai juste pas encore eu le temps d'effectuer les recherches...

Lorsque je les réécrit je corrige juste certains points qui risque d'amener de l'incompréhension mais sinon je les laissent avec leur fautes acceptables afin de ne pas "dénaturer" les écrits.

Très bien ! J’espère que vous trouverez

Oui, en disant corriger je voulais dire par rapport à ce que le logiciel de dictée retranscrit. Je laisse les fautes. Simplement dicter permet de gagner du temps.
Pendant très longtemps j’ai retapé sur word classiquement. Le jour où j’ai dicté ça m’a changé la vie !

Bon okay j'avoue... Je ne sais pas faire le truc de dicté avec le pc....
Et puis je fais les lettres souvent le soir pendant que madame regarde la télé donc je ne suis pas sur qu'elle apprécié la dictée