Épée de Marine modèle 1891, type 1837

Bonjour.

Le décret du ministre de la Marine du 3 juin 1891 fixe un nouveau modèle d'épée pour les contre-amiraux et vice-amiraux, seuls grades d'officier général existants car les "généraux" des corps techniques (Commissariat, Santé, Génie maritime etc. ) sont dans une position intermédiaire entre les capitaines de vaisseau et les contre-amiraux.


Cette arme remplace celle du Second Empire, dont on ignore encore si c'était celui de l'Armée, conformément au  décret de 1853.

Elle est hybride : sa forme générale est celle "à ciselures" de 1837, avec une branche de garde doublée de l'amorce d'une autre dans la bas, un quillon, un plateau de garde et un de contre-garde, une fusée filigranée terminée en pommeau tronconique.

Elle en diffère :
- au plateau qui porte lui aussi l'ancre, mais sur six drapeaux  au lieu de quatre " sans pique" en clair quatre pavillons, accostée des étoiles d'argent du grade.



- à la branche de garde, par un cartouche de chaque côté de la bague médiane, où se loge de chaque côté un rameau de chêne, au lieu d'un rameau de chêne sur toute la branche ascendante, et d'olivier sur toute la branche descendante.
;


- au  pommeau portant de chaque côté un demi-foudre, attribut jupitérien des généraux depuis la Révolution, au lieu de la modeste "coquille marine".


Le quillon porte un mascaron, et le bouton de chape une palmette.
Cet exemplaire présente à la place un fleuron et sur la chape, le casque à l'antique et le glaive de l'Armée.

La lame très simple est simplement estampée BALP ST ETIENNE.



Le fourreau à l'état neuf a une bouterolle conforme.



Bien que le nombre d'ayants droit ait été important, entre 1891 et...la fin de l'épée pour les amiraux, entre 1940 et sa disparition du règlement en 1958, cette arme se rencontre très rarement, comme le signale Éric SCHÉRER dans "Les uniformes des officiers de la Marine 1830-1940" ; cet ouvrage n'en montre d'ailleurs pas de photos, seulement le dessin du BOM et la baptise "1836-1870" alors qu'il n'y a aucune trace avant 1891
Son port avait pourtant été précisé en 1931 pour les officiers de l'état-major particulier du Président et étendu aux chefs de division, donc au total plusieurs centaines de personnes.

Cette épée, arme noble, ne se porte qu'en tenue de cérémonie, avec l'habit, puis à partir de 1920, le port de l'habit ayant été suspendu en 1915 et jamais repris, avec la redingote.

Cet exemplaire a d'ailleurs été offert en septembre 1942, alors que l'Amiral de la Flotte avait lui aussi suspendu le port de la redingote "pour la durée des hostilités", donc normalement sans occasion de la porter.
La dédicace est, de façon surprenante, anonyme,
alors qu'il y a derrière le pommeau un écusson pour les initiales.
Faut-il y voir un reproche muet ?

Comme il n'y a plus eu pratiquement de promotions après le sabordage, c'est sans doute l'une des dernières , car dans la Marine de la France Libre on n'a pas de temps pour les armes de cérémonie, et on ne s'en soucie plus à la Libération.
Et pourtant un ancien FNFL l'a porté officiellement: le vice-amiral CABANIER décore un commando Marine rentrant d'Indochine en 1949-51.
Il porte l'épée avec le veston, mais qui pourrait lui en faire la remarque ?


Celle des photos  a appartenu à Yves AUBERT, qui, breveté de l'aéronautique en 1917, a passé le tiers de sa carrière dans des commandements, depuis l'infime chef de poste à Fécamp jusqu'à celui de chef du Service central de l'Aéronautique, au sommet ; en effet, l'Aéronautique navale a grandi avec lui, et à chaque promotion, s'ouvrait un commandement nouveau de son niveau.
De quoi faire rêver, surtout aujourd'hui.

Vu son état, AUBERT ne l'a vraisemblablement jamais porté.

Cordialement.