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Entrer dans le Corps des administrateurs des Services civils de l'Indochine
Entrer dans le Corps des administrateurs des Services civils de l'Indochine  EmptyMer 13 Sep 2017 - 14:22 par poddichini
Bonjour,

voici ma rentrée du jour, un échange de courrier tout à fait intéressant, datant de 1909 correspondance entre l'élève-administrateur des Services civils de l'Indochine Jean Cailar, et le gouverneur de Cochinchine Jules Maurice Gourbeil, que je me propose d'expliquer ci-dessous.

Entrer dans le Corps des administrateurs des Services civils de l'Indochine  Wp_20181

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Les deux documents en question doivent être replacés dans leur contexte.
L'Indochine est française officiellement en 1887 avec l'instauration de l'Union indochinoise, qui vient réunir cinq territoires : l'Annam, le Tonkin, la Cochinchine, le Cambodge et le Laos (plus tardivement). Chaque territoire est administré de façon indépendante, soit sous la forme de protectorats, pour quatre d'entre eux, soit sous forme de colonie, dans le cas de la Cochinchine. La colonisation de la future Indochine française débute précisément avec la campagne de Cochinchine, en 1858, sous la direction de plusieurs amiraux comme Charles Rigault de Genouilly, François Page, Léonard Charner. Saïgon est assiégée en 1859, et le traité de Saïgon est signé en 1862. La colonie française de Cochinchine est officiellement établie en 1864. S'en suit l'expédition du Tonkin entre 1883 et 1885, et la prise de possession des trois derniers territoires nommés ci-avant.

Après la prise de possession de la nouvelle Indochine française, et après une première gestion qui est le fait de la Marine, il faut créer une véritable structure administrative pour ce vaste territoire très peuplé. Une première tentative d'administration est amenée par Auguste Pavie. En 1885, il décide de faire venir à Paris quelques khmers, treize au total, pour les former à la gestion de leur territoire, le Cambodge. Auguste Pavie était à ce moment-là agent des télégraphies dans la future Indochine. De cette première idée naquit une idée plus importante de former des Français pour l'administration de tous les territoires colonisés. L’École coloniale est née (1887). En son sein, une section indochinoise est fondée, pour former les élèves du futur corps des administrateurs des Services civils en Indochine. Cette section indochinoise apparaît en 1899. Ce corps d'administrateurs, indispensable à la gestion d'un vaste territoire, est en fait calqué, plus ou moins, sur le système administratif qui est en place dans le Raj britannique : l'Indian Civil Service, corps administratif fondé en 1858.

Les deux documents s'inscrivent donc dans les premières années de fonctionnement des Services civils, puisque datés de 1909.

Jean Marie Maxime CAILAR est passé par l’École coloniale, entre 1906 et 1908, a suivi les cours de l’École coloniale, école de formation des futurs administrateurs coloniaux, administrateurs des Services civils de l'Indochine, administrateurs à Madagascar, et magistrats coloniaux. On trouve première trace de Jean Cailar dans les archives  de 1906. En effet, en 1906, l'arrêté du ministre des Colonies du 12 juillet 1906 informe de l'admission de Jean Cailar à l'École coloniale, dans la section des carrières indochinoises. Il a donc réussi le concours d'entrée de 1906.

Mais cette école, à ce moment-là, les années 1900, n'avait pas encore le monopole de la formation des administrateurs coloniaux, elle ne l'obtient qu'en 1912. De plus, on peut préciser que Cailar compte parmi la moitié des élèves-administrateurs des Services civils de l'Indochine formés à « Colo », le surnom donné à l’École coloniale. En effet, jusqu'en 1942, seul 50% des administrateurs des Services civils de l'Indochine ont été formés par Colo. Il fait donc partie d'une génération d'élèves qui, souvent par vocation, s'ouvrent aux colonies, et se forment dans les meilleures écoles parisiennes.

La section indochinoise de Colo, celle qui ouvre à une carrière dans le Corps des Administrateurs des Services civils de l'Indochine et les Douanes et Régies, dispose de la même formation que les autres sections : africaine, malgache. Des cours généraux sont dispensés, dans ce beau bâtiment de l'avenue de l'Observatoire, dont l'entrée est d'inspiration mauresque, où dans le hall les élèves passent devant les bustes des grands anciens de Colo, mais aussi devant des stèles qui, plus tard dans le temps, rappelleront le sacrifice des anciens élèves morts aux Colonies ou pendant la Grande Guerre.
Les élèves de la section indochinoise sont donc formés au Régime économique et la colonisation française, au Régime économique et colonisation étrangère, à l'Organisation administrative des colonies françaises, l'Organisation administrative des colonies étrangères, l'étude des méthodes coloniales françaises et étrangères, la Législation financière et la comptabilité, la Rédaction administrative, l'Histoire de la colonisation étrangère, une Géographie sommaire des colonies françaises et étrangères, une Ethnographie générale, les Sciences naturelles appliquées, les Éléments de météorologie  et exercices pratiques, l'Agriculture et l'élevage, les Travaux publics, l'Hygiène et les notions médicales, la Littérature et les arts coloniaux, la Psychologie et la morale appliquées à la colonisation, les Sciences juridiques et économiques, les Langues européennes, et enfin l'Escrime et l'équitation. A ces cours s'ajoutent, spécifiquement pour la section indochinoise, la Géographie détaillée de l'Indochine, l'Ethnographie détaillée et le Droit coutumier de l'Indochine, l'Histoire indigène de l'Indochine et de la Chine, la Législation et l'administration de l'Indochine, la Langue annamite, et la Langue cambodgienne.

Une fois la réussite aux examens de Colo obtenue, les élèves de la section indochinoise avaient le choix entre les Services civils ou bien les Douanes et Régies. Jean Cailar a choisi la voie des Services civils.
Arrivé sur place, sûrement au cours de l'année 1908, il suit une année de stage, au titre d'élève-administrateur. A l'issue des 12 mois, les stagiaires devaient passer des examens : connaissance des langues du protectorat ou la colonie dans laquelle le stagiaire servait, examen sur les coutumes et les mœurs des populations locales. S'ajoute à ces examens une lettre envoyée à Paris des supérieurs hiérarchiques du stagiaire rapportant le comportement du stagiaire pendant les 12 mois écoulés. La réussite à ces examens faisait débuter l'administrateur au bas de l'échelle : administrateur adjoint de 3ème classe à 5ème classe, au début du XXème siècle.  Dans le cas précis du courrier de Jean Cailar, on apprend qu'il fait partie de la première promotion qui devait subir ces examens de fin d'année de stage.
Cette décision fut prise par le Gouverneur général de l'Indochine française, Antony Klobukowski, le gendre de Paul Bert, par arrêté du 7 octobre 1908, apprend-t-on dans le présent document. Mais, Jean Cailar adresse le courrier au gouverneur de Cochinchine, Jules Maurice Gourbeil, pour préciser que deux mois avant la fin de son année de stage, les modalités et épreuves des examens ne sont pas encore définies et connues par les élèves-administrateurs. Jean Cailar s'inquiète donc de ne pas avoir suffisamment de temps pour apprendre les matières qui ne lui sont pas encore communiquées. Jean Cailar s'était entretenu personnellement avec le Gouverneur général, auparavant, par le biais d'une rencontre, sûrement une tournée du Gouverneur général dans la province de Gia-Dinh, où est en poste Jean Cailar, dans la commune de Thudaumot (Phú Cường). Le gouverneur général est peut-être venu en inspection, auprès des troupes installés dans les casernes de la ville. Il s'est sûrement rendu à l'Inspection, bâtiment administratif à deux étages, de style européen, avec de grandes ouvertures ouvrant sur un cadre lumineux, fait de jardins et de palmiers.
L'élève-administrateur Jean Cailar termine son courrier en expliquant qu'il a continué, pendant son année de stage, à travailler la langue annamite et les caractères chinois, après les avoir apprises à Colo.

Quelques jours plus tard, le cabinet du lieutenant-gouverneur de Cochinchine, donne une réponse à Jean Cailar au sujet de l'examen de fin d'année. La réponse est directement venue du Gouverneur général Klobukowski, qui annule, pour l'année 1909 les examens de fin d'année des élèves-administrateurs des Services civils, pour la Cochinchine, voire l'ensemble de la Fédération.

Jean Cailar devient donc, après nomination par le gouverneur général, administrateur de 5ème classe des Services civils de l'Indochine, poste occupé par tous les élèves-administrateurs ayant satisfait aux examens, ou au travail effectué pendant leur stage (de la 3ème à la 5ème classe). Cette nomination fut prise par décret du 14 mars 1910, par proposition du ministre des Colonies, et parue dans le Bulletin officiel du Ministère des Colonies. 
Il resta en poste dans la province de Gia-Dinh en la qualité d'adjoint de l'Inspecteur de la 1ère région. Il continua en devenant administrateur de la province de Gia-Dinh, puis quitta les Services civils pour devenir avocat en Cochinchine puis à la cour d'appel d'Indochine. Il obtint la Légion d'honneur, au grade de chevalier, et la Croix de Guerre 1914-1918.

Voilà donc un témoignage intéressant du quotidien et des moments de vie des administrateurs des Services civils de l'Indochine, au début du XXème siècle.

Poddichini.

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